Après avoir fait un bilan sur ses débuts dans le monde du football et de l’entraînement des gardiens, Olivier Lagarde revient maintenant sur son parcours depuis qu’il a posé ses valises dans l’Yonne, en octobre 2022.
Voilà donc un peu plus de deux ans maintenant que vous êtes installé dans l’Yonne. Comment vous sentez-vous ici ?
En termes de passion et de travail, on ne peut pas trouver mieux. On progresse par rapport aux autres et on a vécu des moments très forts à Amiens et à Lorient. Mais là on passe à un club qui a été champion de France, qui a gagné la Coupe de France plusieurs fois, qui a fait la Ligue des Champions… En termes de structure, c’est très agréable. On est gâtés !
On sent que c’est la passion ici, on sent que tout vit autour du foot et de l’AJA. On ne le voit pas que pour les pros d’ailleurs, parce que quand vous allez voir les U19, les U17 ou même les féminines, il y a du monde !
Quand vous gagnez un match, vous avez l’impression que la semaine va être magnifique, vous perdez un match, vous avez l’impression que c’est une catastrophe !
Ici, on mange très bien, il y a de super restaurants. Après je ne vais pas me fâcher mais il n’y a pas la mer ! (rires) Sinon vous êtes pas loin de Paris, je vais aussi souvent à Dijon voir le basket. Je vais à Troyes parce que j’ai des amis là-bas.
Je vois toujours le positif plutôt que négatif. Je me suis fait des amis restaurateurs, j’ai trouvé des amis au padel. Quand vous arrivez dans une région, c’est à vous de tout faire pour vous intégrer. Après autour du foot, on n’a pas à se plaindre ! Certes, on vit de belles saisons aussi donc ça aide. A Lorient, il y a des avantages avec la mer, la Bretagne, c’est quand même une très belle région. La France est un beau pays et il ne faut pas toujours voir le négatif.
Lors de votre arrivée, vous aviez pour objectif de maintenir l’équipe en Ligue 1, après un début de championnat catastrophique. Malgré un très gros travail du nouveau staff, le club n’a pas pu se maintenir…
Il ne s’est pas fait parce qu’il y a eu quatre descentes. Sans cela on n’était même pas barragiste. C’est notre premier demi-échec. C’était la première fois qu’on arrivait en cours de saison dans un club, le coach vous en parlerait certainement mieux mais c’est comme ça. Tout comme mon passage aux Comores, ça sert d’expérience. On n’avait pas de recul là-dessus, mais encore une fois, sans les quatre descentes, on aurait réussi le pari. Mais est-ce qu’on aurait mis des fondations aussi fortes avec la saison dernière qui nous permet peut-être aussi de réaliser le bon début de saison de cette année. En tout cas, il faut pas avoir de regrets. Il faut juste se servir de ce qui s’est passé pour ne pas renouveler les erreurs, et surtout bien retenir les leçons. Ce qui a été bon, ce qui ne l’a pas été et dans quoi on n’a pas été bons et ce qui doit être amélioré pour que ça ne se reproduise pas.
« Donovan est quelqu’un de très humain, de très « club », il ne fait pas de vague »
C’est vrai que l’on est tombé dans la mauvaise saison au point de vue du règlement. Mais suite à cette descente, comment on arrive à remobiliser le groupe?
C’est la force de Christophe Pélissier et de son adjoint Jean-Marie Stéphanopoli, c’est un staff qui fonctionne beaucoup à l’humain. Ce sont deux personnes qui ont des caractères différents mais qui sont toujours en osmose et qui arrivent à tirer le maximum des groupes, qui savent se renouveler. Je pourrais prendre l’exemple ici, du Stade Toulousain au rugby qui gagne chaque année mais qui arrive à se renouveler. Et pour ça, le coach est très fort un peu comme Ugo Mola, le coach du Stade Toulousain.
En gardant un groupe en quasi-majorité identique plus les recrues qui amènent leur fraîcheur, le coach ou Jean-Marie sont très bons dans leurs méthodes. On a un staff qui est très fort. Je travaille avec eux depuis 15 ans avec Jean-Marie nous a rejoint rapidement à Amiens.
Concernant Donovan Léon, qui lui n’avait pas eu la confiance du coach lors de la montée en L1, dans quel état d’esprit était-il au moment de revenir en L2?
Dono c’est quelqu’un de très humain, c’est quelqu’un de très “club” mais qui ne fait pas de vagues, j’ai été très clair quand je discutais avec lui au début. Moi je suis là pour faire progresser les quatre gardiens, pour que les deux qui jouent en N3 et en Ligue 1 soient performants et que les autres puissent répondre en cas de blessure ou de suspension.
C’est une question de confiance et avec Dono, petit à petit on a appris à se connaître. Il a vu qu’il pouvait avoir confiance en moi, que j’étais clair et que le coach lui faisait aussi confiance. C’est un poste très particulier, je suis un peu de la vieille école là-dessus et je pense que le coach aussi, on aime bien déterminer un numéro 1 et après trouver derrière une équipe qui puisse répondre présent si ça ne se passe pas bien s’il y a blessure ou suspension. Et Dono a vu qu’il pouvait avoir confiance dans le staff. Et entre sa saison dernière et celle-ci, il nous démontre qu’on ne s’est pas trompé.
A l’intersaison, on se posait justement la question de savoir si c’est lui qui allait conserver sa place ou si le staff allait choisir de recruter un nouveau gardien.
Je vais vous raconter une anecdote quand on est monté avec Amiens, tout le monde nous disait « il ne faut pas monter avec Régis Gurtner », alors qu’il venait de terminer meilleur gardien dans les étoiles France Football et au final on a tenu bon avec le coach et on voit la carrière que fait Régis Gurtner, encore en Ligue 2 et ces deux saisons avec nous en Ligue 1, elles ont été très bonnes.
C’est un poste vraiment à part, où il faut être à l’intérieur. On n’est pas stupide, avec Christophe Pélissier et le staff, on savait qu’il avait le niveau Ligue 1. Alors peut-être qu’aux yeux de certains, sur les premiers matchs ça n’a pas paru clair, par contre c’est à nous maintenant de confirmer. C’est ce que j’ai dit à Dono, c’est une remise en question permanente. Ce poste-là ne peut pas permettre de dormir. Il y a rien d’acquis, chaque ballon est différent, chaque action est différente. Si on s’endort, on se fait vite rattraper par la patrouille !
Comment on gère les différents états d’esprit au cours d’une saison? Soit lorsqu’en début de saison où c’est un peu compliqué et au contraire comme par exemple face au PSG où il fait un match monstrueux et est acclamé par les critiques.
C’est certain que c’est plaisant, c’est une juste récompense. Pour être honnête, le week-end, ce sont des récompenses du travail de la semaine. Notre rôle est de mettre une structure en place autour des quatre gardiens. C’est vrai il y en a un qui joue mais les quatre gardiens sont concernés et la réussite du numéro 1, dépend aussi du travail des trois autres. On a travaillé, on a appris à se connaître, on a appris aussi sa façon de travailler, car on ne travaille pas de la même façon avec Andrei Radu qu’avec Dono ou Benoît Costil. On a appris à se connaître, on a mis des structures en place, on fait des petits exercices qui resteront entre nous, le staff médical participe avec des séances de neuro-tracker et on a quelqu’un qui intervient aussi pour l’aspect mental. On fait des petits exercices avant ou après les matchs ou à la mi-temps, pour qu’il puisse gagner en régularité, en confiance et qu’il se sente de plus en plus fort. Il a aussi besoin de beaucoup travailler sa concentration. Il a vraiment de grosses qualités.
C’est indéniable, et on a d’ailleurs pu le voir sur ces derniers matchs. Vous avez un peu un rôle de papa auprès d’eux…
Oui, ma femme dit que je suis avec mes enfants (rires). D’ailleurs dernièrement j’ai plusieurs anciens qui sont venus, là il y a Quentin Westberg qui est un ancien de l’AJA, qui est passé me voir, de retour des États-Unis. Je vois tous les matchs de mes anciens gardiens de but, tous les lundis ou les mardis je regarde les matchs. On a la chance à ce poste-là de pouvoir lier quelque chose de fort et j’en ai certains presque tous les jours par SMS. Ce sont des garçons qui ont besoin d’attention. Et l’avantage de ce poste, c’est que lorsqu’on a quelque chose à se dire, on se le dit à tête-à-tête. Parfois je ne suis pas toujours gentil avec eux mais on a des liens très forts. Par exemple Raphaël Adicéam était avec nous 4 ans à Amiens et quand j’ai eu besoin d’un gardien expérimenté qui puisse structurer ma team, on a fait appel à lui et c’est en réussite depuis deux ans. Les gens ne comprennent pas forcément mais moi je peux vous dire qu’il est très important de la team gardien.
Concernant les séances que vous organisez est-ce que vous avez carte blanche dans ce que vous faites ou est-ce que il y a des demandes spécifiques de Christophe Pélissier?
J’écoute tout ce que c’est tout ce que dit le staff, je regarde nos adversaires, mais par contre j’ai la chance qu’il n’intervienne jamais sur des spécifiques. Je ne fais pas les mêmes spécifiques, que je faisais à Amiens ou Lorient. Je les fais en fonction de ce que décide Christophe, Jean-Marie et Aurélien (Denotti) qui participent aussi, sur la façon de jouer, les schémas tactiques, que je prends en compte dans mes séances, mais j’ai vraiment cet avantage qu’ils n’interviennent pas sur les spécifiques.
Je les construis par rapport à notre façon de jouer mais c’est moi qui fais toutes les séances. En gros, le lundi et le mardi, c’est souvent du travail de gamme et plus on se rapproche du match, plus c’est en fonction des forces de l’adversaire, pour montrer à Dono ou Théo qui risque de jouer, ce qu’ils peuvent rencontrer le plus régulièrement par rapport à nos adversaires. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas, ce serait trop simple ! (Rires)
« Théo de Percin a appris énormément lors de son expérience aux JO, ça lui a permis de grandir.«
En parlant de Théo de Percin, petite parenthèse concernant son parcours lors des JO. Cela a dû être une formidable expérience pour lui. Dans quel état d’esprit est-il revenu?
Il est revenu avec la banane (rires) et une grosse satisfaction parce que même si il n’a pas eu la médaille, il a vécu une très belle expérience. Cela lui a permis de grandir et de voir ce qu’était que le très haut niveau. On a forcément envie d’y revenir, alors comme à l’image d’un Kevin Danois, d’un Lasso, d’un Paul Joly (leur quatuor magique comme je les appelle), s’il a envie de connaître ça c’est à lui de tout mettre en place pour un jour le connaître à nouveau. Il en est conscient, il travaille très bien pour ça. Il s’entend très bien avec Dono, Tom (Negrel) et Raph’ (Adicéam). Peu de monde le sait mais Dono l’a entraîné quand il était au centre de formation. Ils ont une relation un peu particulière, comme des grands frères, ils se respectent énormément.
Je pense que l’expérience des JO est particulière pour lui dans ce qu’il a vécu même mentalement, ça lui a fait aussi du bien. Il a vu aussi que le monde du foot n’était pas toujours rose. (ndlr. : Théo est le seul joueur des Bleuets à être revenu de la compétition sans médaille. Conformément au réglement, n’étant pas entré en jeu durant le tournoi, il ne lui est pas attribué de médaille) On a beau être gentil, parfois malheureusement, ca ne va pas dans notre sens. Mais en termes de travail, de vécu avec les joueurs et avec Jérémy Jeannot l’entraîneur des gardiens avec qui je m’entends super bien, il n’a pas perdu son temps. Je pense même que ça a été très bénéfique pour lui.
Pour finir, quel gardien est, pour vous, le meilleur de la L1, actuellement, et plus largement le meilleur gardien du monde?
Actuellement en L1, je pense que c’est Lucas Chevalier (gardien de Lille), il est le plus régulier, il a passé un cap cette année. Je l’avais découvert à l’âge de 17 ans, lorsque j’étais à Amiens et qu’il jouait à Lille. On avait failli se le faire prêter une année mais finalement ça ne s’était pas fait. Il est très mature pour son jeune âge, même en Ligue des Champions il répond présent.
Niveau mondial, j’aime beaucoup Jan Oblak (gardien de l’Atletico Madrid), au très haut niveau depuis longtemps, il fait des saisons régulières. Il garde et bloque les ballons, c’est très rare aujourd’hui. On a la chance d’avoir Dono qui bloque parfois la balle également, mais ça se voit de moins en moins dans le football actuel. Il y a de très bons gardiens en France et dans le monde, Oblak est très fort, il fait rarement des erreurs. Et sa longévité est vraiment énorme !
En cette période de vœux, quels sont les vôtres pour cette nouvelle année ?
Je souhaite déjà la santé, pour tout le monde, c’est le principal. C’est primordial pour moi. Sportivement, je souhaite que l’on continue à prendre du plaisir. On a vécu une belle année 2024, alors que 2025 soit pareil. Que l’on se fasse plaisirs tous les week-end, que l’Abbé Deschamps soit rempli à chaque match, que l’ambiance soit parfaite.
Comme je le disais, tous les matins je suis content de venir ici, je souhaite que ça continue, à prendre du plaisir. Lorsqu’on prend du plaisir sur le terrain, ça rejaillit sur tout le monde. Ici on a la chance d’avoir de très bons supporters.
Merci encore Olivier, d’avoir partagé votre histoire, vos anecdotes et votre bonne humeur. Nous avons hâte de retrouver notre équipe et de pouvoir vibrer lors des matchs.
Le prochain, à l’Abbé Deschamps étant le vendredi 10 janvier, face au LOSC de Lucas Chevalier, à 21h.